La Grande Salle

Le vide. Ce mot ou plutôt cette sensation agréable coulait en la jeune fille fraîchement assise sur un des bancs de sa table sur laquelle plusieurs mets offraient aux élèves un dilemme de choix, comme le ferait un effet de chocolat chaud dans ses veines. Elle aurait pu se croire seule, à fixer toujours des points invisibles au-dessus de tout le monde, évitant ainsi toute confrontation directe avec qui que ce soit. Par-dessus ces points, des milliers de lampes volaient dans l’air et imprégnait une douce odeur de brulure à l’ancienne l’ambiance, une odeur que Vélane avait aimé par le passé, mais qui maintenant, face à la magie dont la salle semblait débordait à en faire disparaître les plats, avait appris à haïr. La magie, son cauchemar. Si Vélane avait accepté de venir étudier l’anormalité ce n’était que pour retrouver la trace de son père.  


Depuis toute petite, la jeune sorcière avait appris à haïr et fuir la magie, chose vaine, car en ce moment même, la magie coulait en elle. Elle savait qu’un  jour, elle serait confronté à user d’une baguette magique, à user de runes et à murmurer des incantations des plus anormales en latin. Elle se voyait toujours, petite, à essayer de se convaincre que c’était une moldue, et que la voix qu’elle entendait dans sa tête n’était autre que la voix de sa raison, or, ce n’en était rien.


Un Vendredi soir, sûrement, elle avait été réparti à Gryffondor et maintenant, elle était assise à boire de la bouillabaisse, après avoir examiné son plat avec attention.   Les élèves discutaient et parlaient, mais Vélane avait l’impression d’avoir affaire à un spectacle en mode mutisme. Sauf que voilà, son esprit ne cessait d’activer le son et de murmurer en sa tête paroles d’hier et d’aujourd’hui, citations de savants et ou proverbes d’antan,  cantines de meurtres en provenances, ou mélodies de silences. «  Et la lumière s’en va… ». Une ombre vint s’interposer juste derrière elle, elle toussota, contraignant celui ou celle qui se tenait derrière elle à déguerpir, sans qu’elle n’aille à prononcer un traître mot. « Et si seulement les choses pouvaient être aussi simples. Basta ! ».

Bien que de dos la jeune fille ne pouvait déterminer qui se tenait derrière elle d’une manière aussi rigide, elle supposa que c’était une fille. Celle-ci ne s’intéressa point à elle et préféra reporter son attention sur de la bouillabaisse qui dégoulinait de la brillante cuillère en argent qui semblait comme neuf. Au moins le banquet de tous les jours était variable, et aucun plat ne ressemblait ou était similaire à quelques mets douteux, de ceux qui faisaient saliver anormalement ou qui lançaient des pétards. Le tintement de verre fit de nouveau releva la tête de la jeune fille qui plissant les yeux versa le contenu de la cuillère dans le bol. Elle n’allait plus dîner.


L’ombre qui tapissait un morceau de lu banc et de la table n’avait point changé de position ou d’allure aussi la jeune sorcière toussota, espérant ainsi signaler le dérangement que la personne venait de provoquer et demandant ainsi, sans avoir à faire frémir ou à faire bouger ses lèvres à demander son déguerpis. Chose qui ne fut point réalisé à la grande misère de celle-ci.


Les faits ne pouvaient que prendre les ampleurs les plus indésirables dans un tel monde d’anormalité ! L’inconnue murmura quelques paroles à l’adresse d’une personne. Ne comprenant que plus tard qu’elle s’était adressée à elle, Vélane se figea avant de se rendre à l’évidence. Les bancs étaient quasiment emplis, et il y avait de la place à ses côtés. Si elle voulait profiter d’un peu de tranquillité, il lui faudra sacrifier un peu de place à l’adressa de l’inconnue. Elle se mit un peu de côté, libérant ainsi de l’espace inoccupé mais toutefois étroit à une quelconque personne. De toute évidence, Vélane n’avait guère la possibilité d’interdire certains faits et n’avait pas le pouvoir d’établir certaines lois, aussi elle ne pouvait que céder à contrecœur à la demande de la personne derrière elle. Et c’était à présent fait. Tendant sa main vers un verre d’eau, la jeune fille porta le verre à ses lèvres, s’abreuvant à petites gorgées. « Qu’il était bon de s’hydrater, un vendredi soir, sans que personne ne trouble votre tranquillité ! »

La jeune s'assit sur le banc à côté de Vélane qui avait essayé de lui aménager un petit espace, non par bonté, mais juste afin d'avoir la conscience tranquille, et pour que celle-ci ne reste point toute la journée debout, son ombre s'étendant sur le repas jugé intouchable par la jeune fille. Aussi, ce ne fut qu'avec un soupir d'exaspèrence que la jeune fille se retint de se lever, et de rejoindre son dortoir qui serait probablement à l'heure actuelle vide.


Chose qu'elle ne fit pas.


Elle resta assise et but une gorgée d'eau, espérant éteindre ce feu qu'avait exhibé autant de confrontations en une seule et unique journée. Le pire était à venir, l'inconnue demanda à Vélane de lui faire passer la panière qui contenait du pain bien dorée et gonflée. Elle haussa les épaules, se retournant vers l'inconnue et la dévisageant, ou plutôt, semblant fixer un point invisible au dessus de sa tête, d'un regard vide. Elle se retourna de l'autre côté, fermant les yeux et effaçant la voix qui sifflotait d'impatience dans sa tête.


Finalement, elle la lui passa. La panière à pain.